Quel visage pour l’Arctique à de fort taux de CO2 atmosphérique : Apport des périodes anciennes
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Quel visage pour l’Arctique à de fort taux de CO2 atmosphérique : Apport des périodes anciennes
Les changements environnementaux associés au réchauffement
climatique, en particulier au niveau de la zone polaire arctique (couverture de
la glace de mer) interviennent à un rythme plus rapide que celui prévu par les
modèles, montrant que certaines zones du système Terre sont plus sensibles et
plus dynamiques que ce que les modèles pouvaient laisser penser. Tester
la capacité des modèles à bien simuler le changement climatique, en particulier
aux hautes latitudes, devient donc un enjeu sociétal majeur. Or nous sommes en
chemin vers des taux de CO2 dans l’atmosphère que la Terre n’a connu
ni dans l’enregistrement historique, ni dans l’enregistrement des carottes de
glaces forées sur les calottes polaires qui contraint la teneur en CO2
dans l’atmosphère des derniers 800 000 ans. Ces enregistrements montrent une
oscillation des taux de CO2 atmosphérique entre un niveau bas à 180
ppm et un niveau haut à 280 ppm. Aujourd’hui, les
mesures de CO2 indiquent que la concentration en CO2 a
franchi 395 ppm et les projections suggèrent qu’elle pourrait atteindre plus de
1000 ppm à la fin du siècle. Il est clair que les périodes actuelles ou
subactuelles (dernier million d’années) ne permettent pas de tester la capacité
des modèles de climat dans des conditions de hautes teneurs en CO2
telles que celles prédites pour la fin du siècle. Pour retrouver des teneurs en
CO2 de l’ordre de 1000 ppm ou supérieures, il faut ainsi reculer jusqu’à
plus de 50 millions d’années en arrière, à l’Eocène ou au Crétacé, périodes
possédant des intervalles de temps qualifiés de « Greenhouse ».
A quoi ressemblait l’Arctique durant ces périodes de
Greenhouse ? Est-il possible de simuler de la glace pérenne dans cette
région du globe lorsque les teneurs en CO2 dépassent 1000 ppm ? A quoi
ressemble la circulation thermohaline avec des pôles dépourvus de glace, des
températures polaires extrêmes telles que celles quantifiées pour l’Arctique au
Crétacé ou à l’Eocène (Jenkyns et al., 2004), et des gradients latitudinaux de
température très différents du gradient actuel (Bijl et al., 2009) ? Il
est essentiel pour pouvoir répondre à ces questions et pour pouvoir tester la
sensibilité du climat à des changements de température dans cette zone de mieux
contraindre l’histoire thermique ancienne de l’océan arctique.
Nous envisageons d’adopter une approche pluri-disciplinaire
couplant une approche expérimentale et une approche de modélisation pour
explorer le comportement de la zone arctique dans un contexte de greenhouse et
du passage vers des conditions plus froides. En particulier, l’évolution des
températures marines est encore très mal contrainte dans la région arctique
pour les périodes anciennes de greenhouse telles que le milieu du Crétacé ou le
maximum thermique du Paléocène-Eocène. Une des raisons de ces incertitudes
tient à la méconnaissance de la composition isotopique de l’oxygène (d18O) de l’océan arctique durant
ces périodes de l’histoire de la Terre, qui rend très difficile sinon
impossible la reconstruction de températures marines à partir du d18O de calcite ou d’apatite
d’organismes marins. Une piste possible pour pallier à ce problème serait de
coupler des analyses de d18O
et de delta47 sur de la calcite ou de l’apatite d’organismes marins. L’analyse
conjointe de ces deux proxy permettrait de déconvoluer le signal lié au d18O de l’eau de mer, lié à la
salinité, et à celui de la température. Nous
avons déjà des contacts en Russie (E. Popov, M. Rogov) qui peuvent fournir du
matériel du bassin de Pechora (Russie) donnant sur l’Arctique ou de zones plus
au nord pour ces périodes de temps.
Des simulations du bassin arctique à un intervalle de temps
plus reculé (Jurassique) ont déjà été réalisées par G. Dera et Y. Donnadieu.
Nous avons montré un lien entre réchauffement rapide, dessalure de l’océan
arctique et diminution du mélange océanique global. La zone Arctique a été
particulièrement sensible à la restriction du bassin et aux réchauffements
Cénozoiques ; l'Azolla event pendant lequel l'Arctique s'est transformé en lac
saumâtre recouvert d'algues et de fougères aquatiques en est un exemple
édifiant (Brinkhuis et al., 2006). Ce sont ces niveaux à algues d’eau douce qui
sont visés pour leur pétrole. Est-ce que l'océan arctique a été une zone
cruciale tamponnant par des adaptations écologiques les réchauffements extrêmes
en stockant massivement du carbone organique ? Nous proposons d’étudier les
interactions entre l’océan Arctique et le climat global à différentes périodes
de temps couvrant les 65 derniers millions d’années à partir de la modélisation
numérique et en s’appuyant sur des contraintes apportées par les données
géochimiques (salinité, température) et par des données sédimentologiques
(relation Atlantique – Arctique en fonction de l’évolution de la géométrie des
passages marins des hautes latitudes). Ce type d’étude peut potentiellement
apporter de nouvelles connaissances sur le devenir du bassin arctique suite à
l’augmentation de la teneur en CO2 au cours du prochain siècle en
s’appuyant sur des événements similaires ayant eu lieu dans notre passé
lointain. La vitesse des changements environnementaux naturels reste
probablement inférieure à celle imposée par l’activité humaine mais seules ces
périodes reculées peuvent nous fournir des informations sur le comportement du
bassin arctique dans un contexte de fortes teneurs en CO2
atmosphérique.
Bijl, P., Schouten, S., Sluijs, A., Reichart, G.J., Zachos, J.C.,
Brinkhuis, H., 2009. Early Palaeogene temperature evolution of the southwest Pacific Ocean. Nature,
461 (7265): 776–779, doi:10.1038/nature08399.
Jenkyns, H.C., Forster, A., Schouten, S. and Sinninghe Damsté, J.S.,
2004. High temperatures in the Late Cretaceous Arctic Ocean. Nature, 432,
888-892.
Brinkhuis,
H. et al., 2006, Episodic fresh surface waters in the Eocene Arctic ocean.
Nature, 441 : 606 :609
Contribution
commune de Y. Donnadieu, E. Pucéat, G. Dera et M. Bonifacie
climatique, en particulier au niveau de la zone polaire arctique (couverture de
la glace de mer) interviennent à un rythme plus rapide que celui prévu par les
modèles, montrant que certaines zones du système Terre sont plus sensibles et
plus dynamiques que ce que les modèles pouvaient laisser penser. Tester
la capacité des modèles à bien simuler le changement climatique, en particulier
aux hautes latitudes, devient donc un enjeu sociétal majeur. Or nous sommes en
chemin vers des taux de CO2 dans l’atmosphère que la Terre n’a connu
ni dans l’enregistrement historique, ni dans l’enregistrement des carottes de
glaces forées sur les calottes polaires qui contraint la teneur en CO2
dans l’atmosphère des derniers 800 000 ans. Ces enregistrements montrent une
oscillation des taux de CO2 atmosphérique entre un niveau bas à 180
ppm et un niveau haut à 280 ppm. Aujourd’hui, les
mesures de CO2 indiquent que la concentration en CO2 a
franchi 395 ppm et les projections suggèrent qu’elle pourrait atteindre plus de
1000 ppm à la fin du siècle. Il est clair que les périodes actuelles ou
subactuelles (dernier million d’années) ne permettent pas de tester la capacité
des modèles de climat dans des conditions de hautes teneurs en CO2
telles que celles prédites pour la fin du siècle. Pour retrouver des teneurs en
CO2 de l’ordre de 1000 ppm ou supérieures, il faut ainsi reculer jusqu’à
plus de 50 millions d’années en arrière, à l’Eocène ou au Crétacé, périodes
possédant des intervalles de temps qualifiés de « Greenhouse ».
A quoi ressemblait l’Arctique durant ces périodes de
Greenhouse ? Est-il possible de simuler de la glace pérenne dans cette
région du globe lorsque les teneurs en CO2 dépassent 1000 ppm ? A quoi
ressemble la circulation thermohaline avec des pôles dépourvus de glace, des
températures polaires extrêmes telles que celles quantifiées pour l’Arctique au
Crétacé ou à l’Eocène (Jenkyns et al., 2004), et des gradients latitudinaux de
température très différents du gradient actuel (Bijl et al., 2009) ? Il
est essentiel pour pouvoir répondre à ces questions et pour pouvoir tester la
sensibilité du climat à des changements de température dans cette zone de mieux
contraindre l’histoire thermique ancienne de l’océan arctique.
Nous envisageons d’adopter une approche pluri-disciplinaire
couplant une approche expérimentale et une approche de modélisation pour
explorer le comportement de la zone arctique dans un contexte de greenhouse et
du passage vers des conditions plus froides. En particulier, l’évolution des
températures marines est encore très mal contrainte dans la région arctique
pour les périodes anciennes de greenhouse telles que le milieu du Crétacé ou le
maximum thermique du Paléocène-Eocène. Une des raisons de ces incertitudes
tient à la méconnaissance de la composition isotopique de l’oxygène (d18O) de l’océan arctique durant
ces périodes de l’histoire de la Terre, qui rend très difficile sinon
impossible la reconstruction de températures marines à partir du d18O de calcite ou d’apatite
d’organismes marins. Une piste possible pour pallier à ce problème serait de
coupler des analyses de d18O
et de delta47 sur de la calcite ou de l’apatite d’organismes marins. L’analyse
conjointe de ces deux proxy permettrait de déconvoluer le signal lié au d18O de l’eau de mer, lié à la
salinité, et à celui de la température. Nous
avons déjà des contacts en Russie (E. Popov, M. Rogov) qui peuvent fournir du
matériel du bassin de Pechora (Russie) donnant sur l’Arctique ou de zones plus
au nord pour ces périodes de temps.
Des simulations du bassin arctique à un intervalle de temps
plus reculé (Jurassique) ont déjà été réalisées par G. Dera et Y. Donnadieu.
Nous avons montré un lien entre réchauffement rapide, dessalure de l’océan
arctique et diminution du mélange océanique global. La zone Arctique a été
particulièrement sensible à la restriction du bassin et aux réchauffements
Cénozoiques ; l'Azolla event pendant lequel l'Arctique s'est transformé en lac
saumâtre recouvert d'algues et de fougères aquatiques en est un exemple
édifiant (Brinkhuis et al., 2006). Ce sont ces niveaux à algues d’eau douce qui
sont visés pour leur pétrole. Est-ce que l'océan arctique a été une zone
cruciale tamponnant par des adaptations écologiques les réchauffements extrêmes
en stockant massivement du carbone organique ? Nous proposons d’étudier les
interactions entre l’océan Arctique et le climat global à différentes périodes
de temps couvrant les 65 derniers millions d’années à partir de la modélisation
numérique et en s’appuyant sur des contraintes apportées par les données
géochimiques (salinité, température) et par des données sédimentologiques
(relation Atlantique – Arctique en fonction de l’évolution de la géométrie des
passages marins des hautes latitudes). Ce type d’étude peut potentiellement
apporter de nouvelles connaissances sur le devenir du bassin arctique suite à
l’augmentation de la teneur en CO2 au cours du prochain siècle en
s’appuyant sur des événements similaires ayant eu lieu dans notre passé
lointain. La vitesse des changements environnementaux naturels reste
probablement inférieure à celle imposée par l’activité humaine mais seules ces
périodes reculées peuvent nous fournir des informations sur le comportement du
bassin arctique dans un contexte de fortes teneurs en CO2
atmosphérique.
Bijl, P., Schouten, S., Sluijs, A., Reichart, G.J., Zachos, J.C.,
Brinkhuis, H., 2009. Early Palaeogene temperature evolution of the southwest Pacific Ocean. Nature,
461 (7265): 776–779, doi:10.1038/nature08399.
Jenkyns, H.C., Forster, A., Schouten, S. and Sinninghe Damsté, J.S.,
2004. High temperatures in the Late Cretaceous Arctic Ocean. Nature, 432,
888-892.
Brinkhuis,
H. et al., 2006, Episodic fresh surface waters in the Eocene Arctic ocean.
Nature, 441 : 606 :609
Contribution
commune de Y. Donnadieu, E. Pucéat, G. Dera et M. Bonifacie
Yannick Donnadieu- Messages : 2
Date d'inscription : 30/04/2013
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